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La tête ailleurs L’épopée des Johnnies

Depuis 1827, les Johnnies se rendent chaque été en Grande-Bretagne, pour y vendre leurs oignons produits à Roscoff, dans le Finistère.

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L’histoire des « Johnnies » commence au milieu du XIXe siècle, alors que l’Angleterre s’industrialise et délaisse son agriculture. Outre-Manche, la Bretagne agricole, pauvre, ne parvient plus à nourrir toutes ses bouches. Quitter la région pour aller chercher du travail une moitié de l’année s’avère rapidement indispensable pour certains de ses habitants. Parmi eux, les producteurs d’oignons de Roscoff, dans le Finistère, qui seront par la suite surnommés les Johnnies, s’organisent pour gagner chaque été l’Angleterre et y vendre leurs marchandises.

Migration jusqu’en Écosse

Le départ se tient le troisième lundi de juillet, après une prière à la Sainte-Barbe. Les traversées, d’abord en gabares puis en bateaux à voile, se révèlent périlleuses et éprouvantes. Mais vaille que vaille ! Les marchands dorment sur le pont avec leurs sacs d’oignons. Implantés d’abord dans le sud de l’Angleterre, les Roscovites migrent progressivement jusqu’en Écosse. Puis les conditions de vie, très spartiates du départ, s’améliorent peu à peu.

Sur place, ils sont organisés en compagnies qui comptent jusqu’à soixante hommes, avec un « master » à leur tête. Les « botteleurs » (qui tressent les oignons) y côtoient les vendeurs. Ces derniers partent chaque jour avec leur vélo lourdement chargé. « C’était un métier dur où l’on ne gagnait pas gros, raconte Marcel Quemener, l’un des derniers Johnnies. Avec le taux de change, le commerce était intéressant certaines années. »

Tolérés au début, les Johnnies ont su se faire apprécier au fil des années. En 1930, âge d’or de l’activité, dix mille tonnes d’oignons sont vendues par mille cinq cents paysans. Et leur arrivée est même annoncée dans le journal local ! Dans la rue, ils se font interpeller par des « Hello John ! », Jean en français, qui leur vaudra leur surnom. La Seconde Guerre mondiale a failli éteindre leur commerce. Cependant, en 2002, une douzaine de vendeurs d’oignons parvenaient, à leur manière, à maintenir l’activité.

En 1973, quand le premier bateau de la Brittany Ferries, compagnie maritime créée par les agriculteurs bretons pour exporter leurs choux-fleurs et leurs légumes en Grande-Bretagne, larguait les amarres, il comptait à son bord trois camions chargés d’oignons.

Anne Bréhier

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